Le jeudi 11 septembre, le Club a organisé la deuxième édition de la grande soirée de rentrée des médias, animée une nouvelle fois avec brio, par Vincent Lalire, enseignant en communication politique et administrateur du Club. Après un mot d’accueil de notre président Pierre Durand-Gratian, chef d’édition pour Tendance Ouest Rouen, les représentants des principaux médias normands ont pu présenter leurs stratégies face aux défis actuels du secteur. Cette rencontre a révélé des adaptations contrastées selon les supports, tous confrontés aux mêmes enjeux : baisse du nombre de tirages papier, vieillissement du public, mutation numérique et modèle économique fragile.
La presse écrite face au défi numérique
Le Courrier Cauchois maintient sa stratégie d’hyperproximité avec dix journalistes permanents et trente correspondants. Ghislain Annetta, rédacteur en chef, souligne que le modèle économique reste centré sur le papier malgré la chute des tirages, passés de 50 000 exemplaires il y a vingt ans à 25 000 exemplaires actuellement. La concurrence des réseaux sociaux a davantage impacté le titre qu’internet lui-même. Le journal mise sur les faits divers et cherche à traiter l’information différemment des acteurs institutionnels.
Paris Normandie adopte une autre approche avec soixante-dix journalistes répartis sur quatre éditions, et un tirage à 320 000 exemplaires par semaine. Audrey Rohrbach, rédactrice en chef déléguée, annonce plusieurs nouveautés lancées en 2025 qui sont maintenues en 2026 : les “Étoiles gourmandes” parrainées par David Galienne, une rubrique course à pied mensuelle, et des rendez-vous économiques renforcés. La nouvelle maquette lancée en avril a reçu un accueil positif et redonne une dynamique au papier. Le titre génère 350 000 pages vues quotidiennes sur le web et travaille à la conversion des lecteurs en abonnés.
Ouest-France confirme sa position dominante avec 680 000 exemplaires quotidiens et 700 journalistes. Élodie Dardenne, cheffe du service Normandie, précise que la région, bien qu’étant la plus petite du groupe, bénéficie d’une présence renforcée. Le groupe mise sur la vidéo avec un vidéaste par région et maintient sa stratégie “de la commune au monde”. En parlant de vidéo, notre invité a fait un aparté sur le lancement de NOVO19, nouvelle chaîne nationale traitant d’informations régionales, propriété du groupe Ouest-France et lancée le 1er septembre. “Le lancement est satisfaisant, mais beaucoup de choses sont encore en train de se mettre en place, ça se construit et pour les équipes d’Ouest-France cela reste assez neutre pour le moment”, précise la journaliste.
L’audiovisuel en recomposition
France 3 Normandie vit une période de transformations sous la direction de Xavier Rolland, nouveau directeur, arrivé le 1er septembre dernier. La chaîne mise sur la proximité quotidienne et prépare activement la couverture des élections municipales avec des débats prévus. L’enjeu numérique est prioritaire avec 3,5 millions de vues quotidiennes sur le site, dépassant France Info. La stratégie éditoriale privilégie la qualité sur la vitesse, France 3 assumant de ne pas être la première sur l’information mais de conserver son label de fiabilité.
Ici Normandie (ex-France Bleu) navigue dans un contexte d’audiences déclinantes avec 145 000 auditeurs quotidiens et un public vieillissant. Raphaël Tual, rédacteur en chef, mise sur une nouvelle grille avec un humoriste matinal et des contenus valorisant l’engagement citoyen. La radio reste la deuxième locale de France et affirme sa dimension musicale dans un réseau unifié de quarante-quatre stations.
RCF Normandie développe une approche originale avec 27 000 auditeurs quotidiens, dont 50% de non-pratiquants. Guillaume Desanges, directeur général et rédacteur en chef, annonce une régionalisation de l’antenne avec quatre studios équipés. La radio associative mise sur les portraits et rencontres, avec des podcasts dédiés au “choc culturel” que représente l’arrivée dans notre pays pour des étrangers. Le financement repose sur les dons de 10% des auditeurs, complétés par les subventions et le mécénat.
Un pure player en quête de modèle
76actu, filiale du Groupe actu (ex-Publihebdos), a franchi une étape décisive avec l’instauration d’un paywall (articles payants) début 2025. Julien Bouteiller, rédacteur en chef, explique que 30% des contenus seront réservés aux abonnés, une stratégie de groupe pour diversifier les revenus au-delà de la publicité. Le site génère 3-4 millions de visiteurs mensuels et mise sur l’originalité éditoriale, se positionnant comme le “poil à gratter” local.
La soirée a également marqué le retour annoncé de RVS, radio phare des années 80-90, qui obtiendra prochainement l’autorisation d’émettre sur Évreux-Louviers. Francis Guillerauld, son directeur, prépare une approche citoyenne impliquant les jeunes, avec des magazines d’information complétant les flashs traditionnels.
Défis communs et stratégies variées
Tous les intervenants convergent sur plusieurs constats : le vieillissement des audiences, la nécessité de capter un public jeune via les réseaux sociaux, et l’importance cruciale des élections municipales dans leurs programmations. Le sport demeure une locomotive pour la presse écrite, tandis que les faits divers restent essentiels pour la presse locale.
Les élections municipales s’imposent comme le grand rendez-vous éditorial des mois à venir, tous supports confondus. Les médias préparent des dispositifs spéciaux, conscients de leur rôle démocratique dans une période d’incertitude institutionnelle.
Cette soirée révèle un paysage médiatique normand en adaptation constante, où chaque acteur expérimente des solutions face à des défis partagés, entre tradition journalistique et innovation numérique.






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