Ce jeudi 4 octobre, nous avons accueilli Jacques Trentesaux, ancien rédacteur en chef de L’Express et fondateur de Médiacités, pure player d’investigation locale ainsi que Jean-Marie Charon, adhérent du Club et sociologue des médias. Tous deux étaient réunis autour de Nathalie Jourdan, administratrice du Club et rédactrice en chef de La Lettre EcoNormandie, qui animait cette soirée sur la thématique de la place de l’investigation journalistique en région.

La soirée a débuté par un retour sur le parcours professionnel de Jacques Trentesaux et sur sa décision, au moment du rachat de L’Express par le milliardaire Patrick Drahi (patron de Numéricable-SFR), début 2015, de “prendre le chèque” et de quitter ce média, pour en créer un autre : Médiacités. A 50 ans, il fait ce choix un peu fou “par amour du métier de journaliste et pour le défendre”. Le contrat éditorial du nouveau média est clair : investigation et indépendance. Le choix est fait de décliner Médiacités à l’échelle des métropoles françaises. A commencer par Lille en décembre 2016. Il propose, depuis, chaque semaine des enquêtes sur les pouvoirs politiques, économiques, sociaux, culturels, sportifs. Ont suivies les ouvertures de Mediacités Lyon, Toulouse et Nantes, avec l’ambition de créer le premier réseau national dédié à l’investigation locale.

Aujourd’hui, Médiacités va bien, il totalise 2000 abonnés et comptabilise 53 000 visiteurs uniques par mois. “Nous avons une croissance régulière et solide. Médiacités gagne des abonnés tous les jours, mais cela va trop lentement”, souligne Jacques Trentesaux. Plus lentement que ce qui était prévu en tout cas. Grâce à une levée de fond de 431 000 € en mai dernier, l’équipe du pure player s’offre 18 mois de répit, qui devront lui permettre de rattraper son petit retard en termes d’abonnés.

Après cet échange sur les fondations et le modèle de Médiacités, Jacques Trentesaux a été questionné sur l’investigation et la place de celle-ci en “province”. “Il y a besoin d’investigation, c’est une nécessité”, assène le journaliste. Pour lui “l’échelon local est l’école de la corruption”, d’où l’importance d’enquêter là où les autres médias ne le font pas. Quant aux sources, il affirme que si certaines, plus institutionnelles, se tarissent rapidement d’autres émergent.

C’est également la volonté affichée avec le lancement, le 1er octobre dernier de la plateforme sécurisée pour lanceurs d’alertes locales “Lanceur d’enquêtes“. Cette interface, mis en place par Médiacités, avec le soutien de GoLeaks et de l’ONG Nothing2Hide, permet de continuer “à marteler l’importance de l’investigation. Elle fait appel à l’esprit civique et (…) veut populariser l’alerte locale”.

Après seulement 4 jours de fonctionnement, Jacques Trentesaux annoncait déjà 5 remontées d’informations très intéressantes.  Des remontées qui peuvent ne pas se trouver sur les territoires métropolitains déjà couverts (pour rappel : Lille, Lyon, Toulouse et Nantes). Interrogé sur ce qu’il feront de ces informations dans ce cas, Jacques Trentesaux a annoncé qu’ils traiteraient l’info si elle est très chaude, ou avec une portée nationale. Si tel n’est pas le cas, ils choisiraient de collaborer avec des médias alliés sur la région concernée, car l’important est que “l’information sorte”.