Ce jeudi 19 novembre, la 3ème édition de Médias en Seine s’est déroulée en 100% digitale. 202 personnalités françaises et internationales ont échangé autour des médias, leurs expériences et leur vision d’avenir pour les médias de demain. Débats, keynotes, rencontres et master classes ont rythmé cette journée que nos deux services civiques, Juliette et Maëlys, ont pu suivre. 

Vous pouvez avoir accès à ces replay en vous inscrivant rapidement sur le site Médias en Seine.

La journée a débuté avec une allocution d’ouverture présentée par Pierre Louette, président-directeur général du groupe Les Echos Le Parisien et Sibyle Veil présidente-directrice générale de Radio France. Ils ont tous deux abordé un axe important, le rôle des médias dans la société qui est d’informer, soutenir et s’engager. Pierre Louette et Sibyle Veil ont ensuite introduit les thèmes des webinaires de la journée, à savoir : la pandémie, la planète, les États-Unis d’Amérique, l’âge d’or de l’audio, civiliser internet et bien d’autres. 


Un premier débat de la journée, animé par François Saltiel, journaliste pour Arte et France Inter, avait pour thème « Jeunes et grand public : quels nouveaux formats de la connaissance pour les informer ? ». Mikaël Chambru, maître de conférences en Sciences de l’information et de la communication à l’Université Grenoble Alpes et Tania Louis, docteure en biologie et médiatrice scientifique ont partagé leur avis notamment sur la vulgarisation. Cette dernière est faite par des spécialistes dans leurs domaines et dans ce débat les intervenants ont surtout parlé de la science. En effet, le public est en recherche continue d’informations scientifiques surtout en cette période de pandémie. La vulgarisation va montrer comment la science évolue, ses étapes mais aussi et surtout ses échecs. En revanche, pour Tania Louis, il faut faire attention à l’endroit où l’on trouve son information et en particulier celles qui touchent à la santé. Les internautes y apportent leur point de vue, avis et combattent pour les défendre, il est difficile d’y avoir un réel échange. 

Chaîne Youtube de Tania Louis.

Ensuite, le webinaire nommé, « Le débat jusqu’au clash ? Les émissions politiques fabriquent-elles de la démocratie ? » s’est tenu. François Saltiel était de nouveau l’animateur de l’échange entre David Pujadas, journaliste de LCI et Léa Salamé, journaliste chez France Inter, France 2 et France 5. Les deux journalistes ont insisté sur la fonction première du débat : convaincre un public qui n’est pas d’accord ou qui n’est pas intéressé. Les intervenants d’un débat doivent plaire et convaincre ceux qui les regardent. Lea Salamé et David Pujadas ont discuté de la pertinence de l’utilisation des réseaux sociaux comme média d’information. David Pujadas a fait part de sa relation avec les réseaux sociaux, selon lui, pour en faire bon usage les médias doivent se tenir à distance du buzz. Ces nouveaux médias ont été comparés à un « miroir déformant », puisqu’ils ne sont pas totalement représentatifs de la France. Le dernier point abordé est le taux d’abstention de vote, Léa Salamé a fait part de son désemparement face à « cet échec collectif ». David Pujadas, quant à lui, a insisté sur le fait que le pouvoir et l’influence des médias est surestimé. La désaffection pour la démocratie serait liée à la perte de pouvoir de l’exécutif. Le débat s’est clos sur l’idée que les médias doivent donc continuer de chercher la bonne formule pour que les gens s’intéressent aux débats. 

Jean-Baptiste Jeangène-Vilmer, directeur de l’IRSEM, au Ministère des Armées a ensuite mené la rencontre, « Ingérence étrangère : l’arme de la désinformation (Fondation Descartes) », entre Paul Charon, directeur du domaine « Renseignement, anticipation et menaces hybrides » à l’IRSEM et Frédérick Douzet, professeure de géopolitique à l’ Université Paris 8. Tout d’abord, les définitions d’ « ingérence » et « influence » ont été établies. Selon Jean-Baptiste Jeangène-Vilmer, l’influence s’assume, notamment par des campagnes agressives. Cela en fait donc un phénomène acceptable. L’ingérence, quant à elle, est menée par des sociétés privées, par des faux comptes sur les réseaux : elle se cache, c’est pourquoi elle est inacceptable. Paul Charon a ensuite rappelé de nombreuses ingérences qui ont été menées dans l’Histoire, comme l’opération de la Chine dans l’Iowa en 2018, contre Trump et l’opération « Infektion », menée par le KGB, accusant les États-Unis d’avoir créé le virus du SIDA. Puis, le discours s’est centré sur les armes de désinformation et en particulier sur l’intelligence artificielle. Selon Frédérick Douzet, l’IA démultiplie la force des données et, en plus, les produit en masse. Elle imite également le comportement humain, ce qui brouille les pistes et complique le repérage de faux contenus. Les intervenants ont conclu qu’avec l’ère du numérique, on assiste à un véritable prolongement en ligne des ingérences étrangères.

Une rencontre entre Samira El Gadir, journaliste du service « Les vérificateurs » chez TF1 et LCI, Jonathan Parienté, chef de service Les Décodeurs chez Le Monde, Cédric Mathiot, responsable du service Checknews chez Libération, Pauline Talagrand rédactrice en chef adjointe à l’AFP Factuel sur le thème du fact-checking a ensuite eu lieu. Animée par Estelle Cognacq, directrice adjointe chargée de l’Agence France info, cette rencontre a exposé les problèmes que pouvaient avoir les médias et journalistes pour démontrer les fausses informations. Avec l’essor des réseaux sociaux, il ne s’agit plus pour les journalistes de vérifier seulement des déclarations politiques mais de vérifier des fausses informations, des rumeurs. Tous ont été d’accord pour dire qu’il est difficile d’atteindre ceux qui sont dans leur monde, ceux qui se sont construit leur propre vision. Les internautes font partie d’une bulle sociale qu’il est difficile de percer pour les journalistes. L’émotion fait que l’on va partager quelque chose mais avant de partager, il faut toujours se demander : quel impact aura mon partage de cette information ? Est-elle vraie si nous ne l’avons pas lu autre part que sur un réseau social ? 

Cyrille Frank, directeur de l’ESJ Pro et Mediaculture et Serge Michel, fondateur d’Heidi News ont été invités à débattre autour du sujet « Imaginer le monde de demain : un rôle positif pour les médias ». Ce débat était animé par Isabelle Giordano, journaliste. La question de ce débat était de savoir comment raccrocher le citoyen à l’information ? Le journaliste se trouve dans une position de passeur, de médiateur entre l’information et le citoyen. Pour que le journaliste puisse donner une bonne information il faut lui donner les moyens de construire son article, son reportage, son émission de radio, or aujourd’hui on demande à ce que ces journalistes soient polyvalents. Afin de raccrocher le public à l’information, il faut passer par le journalisme constructif. C’est-à-dire de construire l’information avec le lecteur. Les jeunes journaliste, venant d’horizon différents veulent toucher le public pour lequel ils vont donner l’information et convaincre l’ancienne génération que ce journalisme constructif est quelque chose de positif. Les questions que doit se poser un journaliste sont : qui ? quoi ? où ? comment ? En ajoutant la question : Et maintenant ? 

Un livre à lire pour creuser cette thématique : Imaginer le monde de demain: Le rôle positif des médias, Gilles Vanderpooten

Suite à cette intervention, un autre débat ayant pour thème « Éduquer à internet : une nécessité ? » a eu lieu entre Gilles Babinet, Thierry Jadot, tous deux membres de l’Institut Montaigne et Virginie Sassoon, directrice adjointe du Clemi, animé par Benjamin Mathieu, journaliste chez France info – Radio France. Le principal sujet abordé au cours de ce débat fut celui de la cyberviolence qui prend de l’ampleur depuis 10 – 20 ans maintenant. Les enfants sont conscients des violences auxquelles ils peuvent être confronté sur internet mais elles sont sous évaluées par leurs parents. Les jeunes ne sont plus sur les mêmes plateformes que les adultes, ils se retrouvent sur TikTok, Snapchat tandis que les parents sont sur Facebook. Quand une situation de cyberviolence touche un enfant, les parents ne savent pas vers qui se tourner. Lors de ce débat les participants ont alors tenté de donner des clefs pour tenter de combattre ce phénomène.

Julie Joly, directrice générale du Centre de formation des journalistes et Ecole W et Dominique Reynié, directeur Général de la fondation pour l’innovation politique ont débattu sur la question : « Les médias représentent-ils encore la société ? » animé par Antoine Bayet, responsable du département des éditions numériques de l’INA. Les journalistes doivent raconter les actualités qui représentent la société d’aujourd’hui. Les nouveaux journalistes qui sortent des écoles viennent de plus en plus de parcours différents mais ils restent nombreux à être issu de milieu urbain. Dans les écoles de journalisme on trouve tout les profils différents, les profils qui représentent notre société d’aujourd’hui (LGBT+, religions différentes, cultures différentes etc.) mais est ce celles que nous voyons le plus ? Les diversités sociales, de genres, religieuses sont de plus en présentes dans les écoles de journalisme, ce qui fera des journalistes différents les uns des autres.

Caroline Fourest, journaliste, Sandrine Treiner, directrice de France Culture et Thomas Snégaroff, journaliste spécialiste des Etats-Unis de France Info se sont retrouvés pour débattre autour de la thématique “La cancel culture débarque en France ?”. Thomas Snégaroff a introduit le débat avec une définition de la cancel culture. Celle-ci a émergé aux États-Unis et caractérise le fait que l’on ne débat plus, puisqu’on bannit ceux avec qui on est pas d’accord. La cancel culture vient toucher des valeurs humanitaires. Pour Caroline Fourest, la cancel culture peut-être parfois légitime, notamment dans le cas du “name and shame” que subit Harvey Weinstein. Mais quand est-ce que la cancel culture devient abusive ? Lorsqu’on condamne quelqu’un sur la base de rumeurs ou quelqu’un qui a des idées divergentes (féminisme, anti-racisme…). On assiste donc à un débarquement et une accélération de ce phénomène en France, notamment avec la montée en puissance des réseaux sociaux.

Le sujet « Haine en ligne, infox… qui doit intervenir ? » est abordé lors d’une rencontre entre Divina Frau-Meigs, présidente de l’ONG Savoir*Devenir, des chaires UNESCO, David Lacombled, président de La Villa Numéris, Cédric O, secrétaire d’Etat chargé de la Transition numérique et des Communications électroniques au Ministère de l’Économie et des Finances et Rudy Reichstadt, directeur de Conspiracy Watch. On compte aujourd’hui 4 fois plus de messages de haines sur les réseaux sociaux qu’en 2018. Ces messages de haines se font sur les réseaux sociaux. Entre les jeunes, ils s’ajoutent au harcèlement qui se déroule à l’école. Les infox quant à elles sont aussi de plus en plus nombreuses sur la toile. Entre 2017 et aujourd’hui, plus d’un 1/5 de la population françaises est dans une forme affirmée de théorie du complot. Pour contrer ces deux choses, il faut éduquer, notamment en passant par l’éducation aux Médias et à l’Information pour les jeunes, des formations pour les adultes. Un déficit de culture numérique est beaucoup trop importante aujourd’hui en France pour Divina Frau-Meigs. Les grandes plateformes de réseaux sociaux doivent aussi apporter plus de modération et faire attention à ce que les internautes publient afin de contrer ces messages le plus rapidement possible. Il existe également des sites qui dénoncent les conspirations, des sites de fact-checking qui doivent se faire connaître par la population.

Le salon Médias en Seine se termine par le discours de Vincent Giret, directeur de France info et Gilles Halais, journaliste chez France info, félicitant les intervenants et valorisant les thèmes et sujets abordés lors de cette journée ; mettant en avant la créativité des médias pendant cette période de pandémie montrant que l’information reste plus que nécessaire.

Rendez-vous l’année prochaine pour la 4ème édition de Médias en Seine !