Mercredi 8 octobre, l’amphithéâtre de l’IUT Info Com d’Ifs accueillait une table ronde passionnante sur l’impact de l’intelligence artificielle dans le métier de journaliste, animée par Julie Lebailly. L’événement, soutenu par Axians Normandie, a réuni David Dieudonné, référent IA chez Ouest-France et Yann Guégan, journaliste pour Contexte, également vice-président du Conseil de Déontologie Journalistique et de Médiation (CDJM).

Serge Perier, directeur d’Axians Normandie, a ouvert la soirée en soulignant les enjeux cruciaux que soulève l’IA : la responsabilité du journaliste dans la génération de confiance, les questions économiques liées à l’évolution des effectifs, et surtout le contrôle de cette technologie qui pourrait influencer l’information elle-même.

David Dieudonné a d’emblée relativisé l’effet de nouveauté, rappelant que les médias expérimentent l’IA depuis des années. Chez Ouest-France, la numérisation de milliers de contenus archivés sur un siècle a très tôt posé la question de la protection des données et du droit d’auteur. Cette anticipation a conduit le journal à mettre en place des enceintes sécurisées, démontrant l’importance de protéger le patrimoine éditorial face aux nouveaux usages technologiques. Aujourd’hui, des prototypes transforment des articles en quiz, génèrent des résumés ou créent des agents conversationnels, comme celui déployé lors des 24 Heures du Mans. L’IA devient un véritable assistant éditorial, bien qu’elle entraîne une perte de trafic notable.

Chez Contexte, Yann Guégan a partagé un sentiment oscillant entre enthousiasme et effroi face aux possibilités de l’IA. Son équipe teste des outils de notification parlementaire permettant aux abonnés de suivre les débats de l’Assemblée nationale et du Sénat, ainsi qu’un assistant interne baptisé “Contexte Ask”, expérimenté avec quelques lecteurs. Il encourage d’ailleurs à adopter une perspective d’utilisateur pour mieux comprendre comment l’IA peut enrichir l’expérience de lecture, par exemple en complétant un paragraphe ou en retrouvant la suite d’un article. Il a utilisé une métaphore éloquente : l’IA est comme un marteau, capable de monter un meuble ou de briser un miroir. Le Conseil de Déontologie a d’ailleurs élaboré une pyramide des risques en trois niveaux, allant des usages à faible risque ne nécessitant aucune mention, aux contenus à risque élevé comme les deepfakes ou les sites automatisés sans supervision humaine.

Les deux intervenants ont insisté sur l’importance des chartes déontologiques, à condition qu’elles soient ancrées dans la pratique réelle et non dans un simple effet vitrine. David Dieudonné a d’ailleurs rejeté toute forme d'”IA washing”, préférant attendre que la charte de Ouest-France soit le fruit d’expérimentations concrètes plutôt qu’une illusion de bonne conduite. Chez Ouest-France, certains journalistes qui maîtrisent le code travaillent déjà en lien avec les partenaires sociaux du CSE pour définir un cadre d’usage approprié. La prudence reste le maître-mot, particulièrement concernant la confidentialité des sources et l’interdiction formelle de nourrir les outils d’IA avec des informations sensibles. Cette soirée a démontré que l’IA représente une opportunité éditoriale majeure, à condition de maintenir intactes les valeurs fondamentales du journalisme et de faire preuve de pédagogie, notamment à travers l’éducation aux médias et à l’information.

 

Revue de presse : l’article d’annonce de la soirée par Ouest-France